La ville de Saint-Leu accueille dans la salle d'exposition de l'Hôtel des postes une exposition du collectif "Kouler Ter".

Présentation

À l’origine, Cimarrón, est un terme espagnol qui signifie “s’échapper, fuir, retour à l’état de sauvage”.

Dans les Caraïbes, Cuba et dans les Antilles françaises, il désigne les esclaves qui fuyaient leurs conditions de servitude.

Cimarron devient « marron, se rendre ou se faire marron », un terme générique adopté dans toutes les Antilles, les Guyanes et dans l’Océan Indien incluant La Réunion, l’île Maurice et Rodrigues.

Cimarron, le sauvage, primitif, fugitif, dont la tête est mise à prix, sont autant d’évocations péjoratives, témoignant de la dépréciation des colons à l’égard de cette pratique.

Contrairement aux idées véhiculées, le marronnage est un mode de résistance régi par un système de hiérarchie sociale et politique géographiquement construit dans les hauteurs et cirques de l’île. Alors que les premiers marrons originaires de Madagascar adoptent le modèle politique de leur pays d’origine, les territoires des marrons sont découpés en différents royaumes représentés par un roi et une reine. Ces chefs sont assistés d’une milice organisée et armée pour lutter face aux chasseurs de marrons.

Aujourd’hui, le marronnage est présenté à sa juste valeur comme une quête de la liberté, un mouvement de rébellion face à l’oppression, un acte de résistance. Marroner, c’est se réapproprier un espace légitime, c’est retrouver sa dignité d’homme, de femme, c’est affirmer sa présence au monde.

« Cimarron » à l’Hôtel des Postes à Saint-Leu, ville qui a vu l’insurrection de 1811, une révolte de deux cents esclaves de diverses origines menée par les marrons Elie et Gilles.

C’est dans cette perspective que l’association Kouleur Tèr et son collectif d’artistes, vous proposent cette exposition. Les peintures de Jimmy Cambona traitent la danse et le chant du Maloya comme un outil de revendication culturelle. Noénoé, dans ses peintures allégoriques, réactive les mythes réunionnais à travers Héva, reine marronne, figure de la femme libre et l’histoire tragique de Kalla, dont est inspirée la légende de Granmer kal. Emmanuelle Custine découpe des scènes et des portraits de marrons et reines malgaches dans la tôle, matériau traditionnellement utilisé pour la construction des maisons créoles.

Catijams propose de mettre en lumière les portraits de marrons peints sur toile sous la forme de totems élevés au rang de piliers. Magalie Grondin expose des abris tissés dans la couleur noire du fénwar en hommage aux femmes marronnes qui dissimulaient des plans de fuites dans leurs chevelures tressées. La pièce de Félix Duclassan en collaboration avec From Overseas, Run Marron, joint deux temporalités à travers les sentiers tracés par les marrons, aujourd’hui empruntés par les randonneurs. Et l’installation vidéo Ether de Romain Jean-Jacques, nous plonge dans le passé du Bé-Mahot, situé à Salazie, premier espace découvert par les marrons dans cette zone de l’île. Des œuvres qui interrogent à la fois la mémoire et une reconquête du territoire.

Eve-Marie Montfort et Emmanuelle Custine

 

Les artistes

Jimmy CambonaJimmy CAMBONA

Peintre

Jimmy Cambona, artiste peintre autodidacte est né en 1972 à Saint-Pierre Île de La Réunion.

Enfant, Jimmy dessine plus qu’il ne peint. La peinture ne s’imposera que plus tard, alors qu’il a 18 ans. Dès 1981, il découvre le maloya et se nourrit de toutes les influences musicales qui s’offrent à lui, en compagnie de ses cousins qui font partie d’un « mouvement culturel » dans le sud de l’île. Au conservatoire régional de Saint-Pierre, sa discipline sera les percussions africaines et afro cubaines. Là, s’en suit un engagement sans démarche politique, où Jimmy se revendique militant de sa culture Réunionnaise, à travers sa peinture. « Ce que les musiciens revendiquent, je le revendique à travers ma peinture… ». En effet, ces racines, sa culture et sa musique deviennent pour lui une source inépuisable d’inspiration et d’énergie.

1994, première exposition au CHD de Terre Sainte. Mais c’est à Arsénik (la galerie alternative), son lieu de prédilection, que Jimmy se révèle en 1995 pour sa deuxième exposition personnelle qui a pour thème « la musique ». Thème qu’il reprendra à plusieurs reprises par la suite durant sa carrière artistique. Jimmy travaille aussi sur la mémoire marronne et l’esclavage. Féru de maloya et de jazz, il nous invite à un Kabar pictural, mêlant la toile au goni, cousus, collés, passant de la tôle rouillé aux articles de lois sordides tel que le code noir, pour assoir un propos : « valorisons le patrimoine immatériel réunionnais ».

Ces techniques sont variées et son style passe du figuratif au surréalisme d’où émane toute sa créolité. A travers sa peinture et ces différents thèmes abordés, Jimmy nous mène vers sa quête identitaire et nous parle ici d’émancipation. Il nous aide à voir autrement, d’abord parce qu’il va à l’essentiel, mais il y va au travers d’une sorte de filtre, qui, par son usage des couleurs, arrive à créer des atmosphères qui nous ramènent au domaine du rêve alors même que c’est la réalité la plus crue que nous allons affronter.

 

CatijamCatijams

Plasticienne

Artiste plasticienne réunionnaise née en 1972. Elle vit entre Dos d’âne La possession et Le Port. Diplômée de l’école des Beaux-Arts Décoratifs de Limoges. Son expression artistique découle de la pratique d’un rituel qui relie l’artiste au monde invisible, physique, au ciel et à la terre. Elle qualifie ses œuvres comme une offrande à la vie. Son style vient de son tout premier atelier "La cuisine au feu de bois" de son enfance, un style nommé "le Boukanaz", la fumée. Dans ses productions artistiques, des matériaux naturels, des particules poussiéreuses et colorées de ses pigments, se rassemblent sur des supports variés. Des éléments picturaux tantôt abstraits, suggérés ou figuratifs apparaissent et disparaissent dans un univers mystique et émotionnel, c’est le témoignage d’un vécu, d’une émotion, d’une histoire.

L’artiste trouve sa principale source d’inspiration dans ses racine métissées : Afrique, Madagascar, Inde et également des différentes cultures du monde.

Catijams honore l’histoire et la culture de son île natale La Réunion ainsi que les incontournables et riches récits de ses parents auxquels elle est très attachées. En parallèle, elle poursuit sa pratique artistique et personnelle passionnément à La Réunion et l’étranger.

 

Ema cEmmanuelle CUSTINE

Plasticienne

Artiste plasticienne céramiste, professeure d’arts plastiques, Emmanuelle Custine est née en 1983 à La Réunion. Très tôt attirée par l’art, elle expérimente dès son adolescence plusieurs médiums et pratiques artistiques : photographie, peinture, fresques murales, collages, sculptures…

Décidée à poursuivre dans cette voie après un passage à l’Université d’Aix en Provence en histoire de l’Art/Arts Plastiques, elle suit une première année aux Beaux-Arts du Port mais décide de reprendre des études en Littérature. Son Master validé, l’envie de voyager lui fait prendre le cap vers l’Australie où elle s’installe à Sydney pendant 2 ans et demi. La rencontre avec l’art aborigène australien, le « Dot painting », dans le désert d’Alice Spring et son célèbre Ayers Rock (Uluhuru) est une réelle reconnexion et une source d’inspiration plus tard dans ses créations.

De retour à La Réunion en 2013, elle découvre son médium de prédilection, l’argile et réalise plusieurs séries de corps féminins « Fam métis », représentatifs du métissage issu de la diaspora de son île. Diplômée du DNA des Beaux-Arts du Port en 2020, elle ouvre sa pratique artistique sur une vision plus contemporaine et se découvre une passion pour les installations avec des matériaux naturels, les éléments eau, feu, air, terre qu’elle rassemble et sublime pour créer des espace rythmés, géo poétiques, où l’art tisse ce lien terrestre « Terre-être ».

Et puis, il y a cette connexion qui l’unit aux ancêtres de son île. Avec de l’argile, en peinture ou en dessinant avec du feu sur des découpes de métal, l’artiste rend hommage à la mémoire.

 

overseas 2Fromoverseas

Musicien

From Overseas est un artiste de musique ambiante, électronique et expérimentale mêlant sonorités digitales et analogiques. Cette rencontre de technologies modernes et de technologies anciennes, ce dialogue entre le passé et le présent se reflètent ainsi dans sa démarche artistique lui permettant de créer des paysages sonores grâce à des manipulations digitales, sur cassettes ou par l’incorporation de field recording (enregistrement sur le terrain des sons du monde). A la fois nostalgique et portée sur l’avenir, à la recherche perpétuelle de nouvelles textures et sonorités, la temporalité occupe une place majeure dans les projets de From Overseas.

Pour Kévin Séry (From Overseas), originaire de l’île de la Réunion, la musique a toujours été ce langage universel permettant la rencontre de différentes cultures au-delà du verbe et de la langue. A travers ses expériences de vie autour du monde entre La Réunion, Paris, Amsterdam et Norfolk aux États-Unis où il réside depuis 2016, ce dernier a pu développer une musique atmosphérique et instrumentale inspirée de ses voyages. Les émotions occupent ainsi une place centrale, sans direction vocale et faisant appel au pouvoir de l’imaginaire de chacun. En intégrant des sonorités, des instruments, du fieldrecording (des enregistrements sur le terrain) de différents endroits du monde et de différentes cultures, From Overseas est un représentant de cette nouvelle génération d’artistes réunionnais si situant au carrefour de plusieurs cultures, entre tradition et modernité.

Membre du label américain Past Inside The Present, From Overseas a sorti son premier EP ‘Volcan’ en 2018, son premier album ‘Home’ en 2020 et plusieurs projets collaboratifs qui lui ont permis de remporter à deux reprises le prix régional “Best Experimental Music Awards” d’Hampton Roads en Virginie.

 

magalie grondinMagalie GRONDIN

Plasticienne

"Je suis née à La Réunion et j’ai grandi en France. Je vis et je travaille à la Réunion depuis l’âge de 19 ans. J’ai d’abord un long parcours dans la pratique de l’art céramique, puis dans le design d’objet avant de m’orienter vers les arts plastiques en obtenant le DNSEP à l’ ESA Réunion en 2021. Mon travail interroge les problématiques liées au corps, à son territoire, ses origines et ses conditions de vie. C’est en puisant dans mon propre corps, mon histoire personnelle que je construis mon parcours artistique. Cela initie une ouverture à l’autre, une ouverture sur le monde, notamment une ouverture sur les réalités actuelles et historiques vécues par les populations de la zone Océan Indien.

Ma pratique plastique est protéiforme. Elle s’étend selon les projets dans le domaine de l’installation, de la sculpture, de la peinture, de la photographie plasticienne et de la vidéo."

 

felix 2Félix DUCLASSAN

Plasticien

Félix Duclassan fait apparaître des limbes, un monde entre-deux. Des hétérotopies qui s'incarnent dans un frémissement entre apparition et disparition, visible et invisible. L'image affleure à la surface de la toile, comme le souvenir remonte, revient à la mémoire. Mais à l’instar de l’image mnésique, il menace de s’enfouir aussitôt dans les profondeurs de la matière, de s’y dissoudre.

Auratiques, les représentations incomplètes, effacées, de l’artiste prennent une nouvelle temporalité et endossent le rôle inédit de vestiges artificiels. Il travaille sur le caractère insaisissable et rejoue dans ses œuvres la dialectique de ces images impalpables qui toujours échappent. L’image semble en suspens. S’appuyant sur un corpus de photographies documentaires, l’artiste procède par transfert. Cette technique renvoie à la déperdition inévitable de toute re-présentation.

Coulure, dilution, trame, effacement poursuivent ce travail de déliquescence de l’image. Il a réalisé différents projets qui s'imprègnent du territoire et de l’espace dans lequel il travaille et vit. En 2013, pour les Nuits d’ Art de Pleine Lune, il crée une œuvre en collaboration avec les brodeuses du quartier de Villèle un immense dessin brodé. Cette création amène le spectateur à revoir son parcours de visite en suivant les pas des employés de la maison des De Villèle et ancêtres des brodeuses. L’oeuvre murmure fait partie des collections du musée de Villèle.

En 2018, il crée 296 dans l’ancienne poste du Port à l’occasion de l’évènement "Correspondances" avec Nicolas Gerodou et Keng Sam Chane Chick Té. Dans l’espace de la poste restante, l’installation réalisée fait incarner l’absence en rendant visible des signes et traces qui ne sont plus présents, dans un mouvement entre apparition et disparition. Le lieu devient cet espace d’oscillation où se défont les polarités de la pensée rationnelle, visible/invisible, présence/absence, apparition/disparition, fiction/réalité,… Le corridor de boites aux lettres est un non-lieu, une interface flottante entre l’ici et l’ailleurs, un espace spectral où le temps balbutie ses mots et ses visions. Les images d’ archives de l’Iconothèque Historique de l’Océan Indien refont surfaces telles des réminiscences, et crée une liaison avec les fantômes des textes fragmentaires, allant jusqu’à faire émerger une mémoire sonore quasiment abstraite.

 

noenoeNoénoé

Peintre

Née à Bordeaux en 1983, Noénoé vit et travaille sur l’île de La Réunion. Elle a grandi dans un milieu artistique familial. Son grand-père et son arrière grand-père pratiquaient déjà le dessin et la peinture avec talent. Ses premières expériences artistiques remontent à sa plus tendre enfance. En effet, dès la fin de l’école maternelle ses peintures sont déjà remarquées et mises en valeur à l’époque par son enseignante passionnée d’Art. A partir de là, elle pratique le dessin, la peinture à l’huile, la sculpture, les installations avec passion en autodidacte. Par la suite, Noénoé fréquente l’université de Bordeaux où elle obtient un Master Recherche en Arts Plastiques.

Après avoir quitté la métropole, elle décroche un second Master Métiers de l’Enseignement à La Réunion dans l’objectif de partager et de transmettre sa passion pour les Arts Plastiques aux plus jeunes. Elle poursuit alors son parcours artistique en parallèle de sa fonction de professeur d’Arts Plastiques. Par choix, l’artiste décide de se concentrer davantage sur la pratique de la peinture. Elle possède sa propre approche et sa propre vision de l'art. Sa technique de prédilection est l’acrylique extra fine sur toile. Elle confectionne d’ailleurs elle-même les châssis de ses toiles de manière artisanale dans un souci de liberté de format et de perfection. Noénoé a l’audace de vouloir incorporer dans ses toiles à la fois sens et sensualité. Son travail se base notamment autour de la femme et de la représentation du féminin sacré dans les différentes sociétés, en particulier africaine et occidentale, par le biais du métissage et du brassage des codes et des mythes. De plus, au sein de ses œuvres l’artiste souhaite valoriser toutes les femmes en combinant diversité, esthétisme et syncrétisme culturel.

 

Romain jjRomain JEAN JACQUES

Artiste visuel

Romain Jean-Jacques est un artiste visuel originaire de La Réunion qui vit et travaille au Québec depuis 10 ans. Il a développé au fil des années un intérêt pour le territoire et les ressources culturelles. Dans sa pratique artistique, il puise ses inspirations dans la culture indo-océanique, identité plurielle qui s’oppose à l’identité racine unique et mortifère, pour parler des ressources culturelles. L’utilisation de la picturalité est vite devenue pour lui le moyen de réclamer une iconographie propre au territoire duquel il est issu.

Son travail plastique prend la forme d'illustrations à l’encre ou à la peinture à huile sur panneau de bois. Sa pratique actuelle s’ouvre au monde numérique, véritable réceptacle contemporain de l’imaginaire social. Il intègre l’animation 2D et 3D ainsi que la conception sonore dans son processus de création. La décision d’intégrer de tels outils à sa pratique est également dû à leur potentiel narratif à véhiculer de nouveaux imaginaires et espaces de revendication en poussant plus loin les techniques traditionnelles du dessin et de la peinture.

L’artiste tente de retranscrire l’ambivalence extrême entre attirance et répulsion, mystère et terreur, irrationnel et rationnel pour développer une iconographie empreinte d’émotions et de symboles. L’artiste cherche à valoriser par le prisme d’une imagerie créole, la vidéo et le son l’expérience collective qui en est faite afin de créer un commun.

 

Victor corroleurVictor COROLLEUR

Artiste visuel

Victor Corolleur est un designer lumière, réalisateur, vidéaste et directeur de la photographie.

Titulaire d’un master 2 en création multimédia de l’université de Lyon 2, Victor Corolleur est un artiste polymorphe. Après avoir travaillé comme éclairagiste pendant plus de 35 ans dans les arts vivants, il crée depuis 1995 des installations lumière -vidéo- son et des performances.

Il a notamment exposé en Afrique où il a vécu pendant plusieurs années (CCF Bamako, 2004 ; CCF Ouagadougou, 2006) puis a vécu et exposé à Phnom Penh de 2006 à 2009.

Depuis 2010, Victor Corolleur vit & travaille à La Réunion.

Formé sur les rapports entre les technologies numériques et l’art, il développe diverses créations comme le vidéomapping, la mise en lumière d’installations, de spectacle et d'évènements artistiques. Inspiré par le mouvement DADA & le mouvement cinétique, il travaille la lumière comme matière, en transformant les espaces par les ombres, les vibrations et les couleurs entre figuration et abstraction.Il crée des environnements qui révèlent les identités des lieux en mixant images, sons et lumières.

 

Eve MarieEve-Marie MONTFORT

Commissaire

 

Eve-Marie Montfort est commissaire d’exposition, docteure en Histoire et critique des arts (université de Rennes 2). Elle travaille sur les expériences d’écoute et les performatives engendrées par le son dans les marches et installations sonores de l’art contemporain.

En 2021, elle est chercheuse-associée au laboratoire APILAB de l’École supérieure d’art de La Réunion et coordonne La Semeuse – plateforme de professionnalisation des étudiant.es et jeunes diplômé.es de l’école. Depuis 2022, La semeuse contribue également à la préfiguration du Pôle d’information des arts visuels de La Réunion.

 

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